COMMENT BIEN AUTOMATISER
A la demande de nouveaux
membres du Club, je republie l’article « comment bien automatiser »
Les responsables de maintenance, qui participent avec
les services (ou bureaux) d’ingénierie, à la conception d’automatisations de
leurs processus, se posent, avant toute décision, les questions suivantes :
- Quand pouvons-nous automatiser un processus sans
faire courir un risque de non fiabilité à la production, des surcoûts à
l’Entreprise, des échecs aux bureaux d’étude et aux constructeurs de moyens ?
- Quelle est la bonne stratégie d’automatisation ?
Comment réussir le passage d’un mode manuel à un mode automatisé ?
- Quels sont les critères d’automatisation ?
La complexité des automatismes est une composante
importante de la complexité produit-process et donc des coûts et de la
performance. Savoir faire simple n’est pas toujours évident.
« Le confort et la sophistication sont source d’ennuis. La simplicité et
la rusticité sont gages de performances ». Des rentabilités estimées
peuvent avoir été surévaluées. Des fiabilités prévisionnelles difficiles à
atteindre et à maintenir. Un personnel de maintenance insuffisamment formé.
I - Quel type d'automatisme? :
Peut-être faut-il commencer par préciser les
différents moyens correspondants aux différents niveaux d’automatisation. On
peut par exemple citer :
- Les aide-opérateurs qui sont des moyens simples pour
manutentionner des charges lourdes (du type palonnier suspendu à un
équilibreur)
- Les assistances qui sont des installations simples,
support d’un outillage géométrique, plus ou moins mécanisées, avec ou sans
automate ou séquenceur, à nombre limité d’actionneurs, pilotées par un
opérateur.
- Les moyens semi-automatiques qui sont des
installations plus ou moins mécanisées, avec automate ou séquenceur, avec des
actionneurs permettant de faire une partie du cycle en automatique et une autre
partie en manuel, pilotées par un opérateur.
- Les moyens automatiques qui sont des installations
mécanisées avec automate ou séquenceur, avec des actionneurs permettant de
faire l’ensemble du cycle en automatique, sans opérateur.
II - Préconisations :
1) Développer une
culture de limitation de l’automatisation.
Surtout automatiser au juste nécessaire. Inutile de
vouloir automatiser systématiquement une fonction entière : préhension, pose,
vissage ou encollage, évacuation (l’approvisionnement automatique des vis peut
poser par exemple des problèmes)
2) Gérer l’innovation
par palier.
On peut par exemple prévoir d’abord un moyen
semi-automatique (avec maintien d’un opérateur) avant de passer directement à
un moyen totalement automatique. C’est une manière de maîtriser graduellement
la fiabilité et les performances, en étalant les coûts d’investissement.
C’est aussi amener dans un atelier des niveaux
d’automatisation en nombre progressif permettant aux personnes en production et
en maintenance de « digérer » toutes les nouveautés.
C’est avoir une démarche de progrès continu.
3) Définir des critères
d’automatisation, propres aux métiers ou à l’entreprise.
Pour bien
automatiser, il faut :
- a) Un produit adapté (accessibilité et jeux de
passage, précision de positionnement, pilotes et trous pour pilotage,
référencements : « bien poser, c’est bien prendre », surfaces d’encollage
suffisantes, trajectoires de vissage directes…. Il est impératif que les
tolérances demandées aux constructeurs d’automatismes, soient au préalable «
négociées » et contractuelles avec le bureau d’études produit (tolérances de
positionnement, de réglage, de serrage, d’affleurage, de remplissage…)
- b) Une faible diversité du produit (il faut éviter
les changements d’outils, de platine de manutention, de table de vissage…)
- c) Une rentabilité satisfaisante (prendre en compte
tous les paramètres : main d’œuvre, qualité, retouches, sécurité, énergies…)
- d) Une fiabilité prévisionnelle contractuelle avec
le fournisseur mais aussi avec la production
Augmenter la fiabilité, c’est prévoir un minimum
d’actionneurs, un minimum de pièces en mouvement, c’est maîtriser les
référentiels et les dispersions par des pilotes , des plaques flottantes
(rendre les moyens les plus tolérants, réduire les contraintes, évaluer des
dispersions réalistes, faire les chaînes de cotes)…c’est séparer les fonctions
( de pose et de fixation par vissage par exemple), c’est utiliser des moyens
standards déjà connus dans l’atelier ou l’usine : robots, tables de
manutention, ascenseurs/descenseurs, visseuses…
4) Développer
l’assurance qualité des études et des réalisations des automatismes.
Toute la fiabilité se joue dès la conception du moyen
: nombre d’actionneurs, technologies employées, dimensionnement des structures,
des mécanismes, des moteurs, des vérins…, qualité du passage des câbles et de leur
hygiène, accessibilité des organes (prévoir la facilité de leur échange.
L’ordre chronologique et les accessibilités de premier montage chez le
constructeur de machines ne sont pas les mêmes qu’en dépannage sur site).
5) Faciliter le
diagnostic de la panne.
Intégrer dans les programmes automates le maximum de
paramètres de surveillance d’états, fournir dans les synoptiques un maximum
d’information pour aider aux diagnostics des pannes, visualiser l’état des
détecteurs de proximité, visualiser les zones de fonctionnement normal sur les
appareils de mesure…
6) Développer les
recyclages automatiques.
Il est souvent très long et très perturbant de
recycler en mode manuel une installation automatisée, liée à des manutentions
de pièces (ou non), arrêtée en plein milieu de son cycle pour une raison
inconnue. C’est alors dans ce cas que bien souvent des solutions de « forçages
» entrainent des catastrophes (casses, temps passé, coûts, perte de pièces, non
qualité, retouches…)
7) Prévoir les marches
de substitution.
En cas de panne de l’installation automatisée, la
marche de substitution permet de produire, dans des conditions particulières de
temps de cycle, de gamme opératoire (rajout d’opérateurs), avec un niveau de
qualité respecté. elle peut être constituée d’une partie de l’installations
automatisées (chargement/déchargement pièce par exemple, vissage, manutention…)
ou d’un autre moyen indépendant du moyen principal (chariot, assistance
opérateur, circuit parallèle de manutention…)
La marche de substitution doit être « douloureuse »
pour forcer la production et la maintenance à maintenir en état l’installation
principale. Une installation trop souvent en panne et qui peut être très
facilement remplacée par sa marche de substitution (autre petit moyen manuel
par exemple), ne se verra pas pris suffisamment en considération et avec
persévérance, dans des plans d’améliorations conséquents. C’est tellement
facile de rajouter un ou deux opérateurs et de redémarrer la production.
La marche de substitution doit être prévue dès la
conception du moyen principal, intégrée au cahier des charges.
Les procédures de mise en œuvre et d’utilisation,
doivent figurer dans le Dossier d’exploitation du moyen.
Mais elle n’est pas systématique (pas pour les
manutentions de pièces par exemple, pas pour des installations dont la marche
de substitution serait trop compliquée)
8) Capitaliser,
réinvestir l’expérience.
Ceci nécessite en premier lieu la bonne tenue des
carnets d’entretien des installations sur site avec leur historique d’arrêts
longs, de modifications, de temps de cycle, de leurs conditions initiales. Des
dossiers machines complets et actualisés.
« Ceux qui
oublient le passé, se condamnent à le revivre » (G.Santayana)
9) Développer les
compétences internes.
Les compétences associées aux moyens automatiques
doivent être anticipées, définies dès les études des moyens et des AMDEC et les
formations nécessaires doivent être réalisées chez les fournisseurs des moyens.
La meilleure des formations consiste à assister et à participer chez eux, aux
premiers essais et premières mises au point des moyens.
Ce personnel de maintenance ainsi formé, pourra jouer
le rôle de formateur relais pour les autres professionnels de maintenance du
site.
10) Mieux utiliser les
compétences externes.
Des contrats peuvent être passés aux démarrages des
installations avec le fournisseur du moyen pour une assistance technique,
limitée en durée, permettant aux professionnels de maintenance de s’approprier
et maîtriser ces moyens. Avec le risque d’une présence du fournisseur trop
longue , freinant et retardant la prise en main par le personnel de maintenance
du site (plus le fournisseur reste, et moins la maintenance est intéressée pour
prendre la main, c’est tellement plus facile…).De plus, le fournisseur
dépanneur aura tendance à masquer certains petits défauts ou arrêts courts
répétitifs, à reporter ces dysfonctionnements sur une qualité produit
insuffisante ou des dispersions produit trop grandes, et retarder la montée en
fiabilité de l’installation.
III - Quand doit-on
automatiser ?
- Quand des conditions de travail sont pénibles,
l’automatisation permet d’éviter des maladies professionnelles, supprime des
postes d’opérateurs les bras en l’air, dans des postures pénibles ou manipulant
des charges lourdes, dans des conditions de température difficiles (sorties de
four…)
- Quand une qualité ou des tolérances sont difficiles
à obtenir en manuel, l’automatisation permet d’obtenir des résultats
constamment bons.
C’est le cas de la dépose de cordon de mastic ou
d’étanchéité par exemple, ou de couples de serrage de sécurité importants à
respecter.
- Quand des conditions d’hygiène s’imposent et le
permettent (industries alimentaires, pharmaceutiques...)
- Quand des processus de fabrication nécessitent un
fonctionnement rapide et continu, à temps de cycle très court (exemple
l’embouteillage, la verrerie, certaines industries alimentaires…)
- Quand la mécanisation et l’automatisation est simple
et peu coûteuse (manutentions par bandes transporteuses, par convoyeurs…)
- Quand une gestion d’articles ou de produits
automatisée permet d’éviter des erreurs humaines d’orientations, de
collectages, de tris (logistique, bagagerie, tri postal…)
- Quand une augmentation de productivité est ainsi
possible, permettant d’être plus compétitif.
Conclusion
Ainsi donc, c’est en participant très tôt à la
conception produit, que les services de maintenance investissent pour les
futures performances de leurs installations, pour une fiabilité prévisionnelle
optimale, une montée en cadence conforme aux prévisions. Les services de
maintenance usine ont leur mot à dire sur le choix des futures automatisations,
leurs niveaux, les technologies utilisées. Des cahiers des charges standards
prenant en compte une expérience formalisée et définissant des conditions
quantifiées de démarrage et d’atteinte des objectifs de performance, des
réceptions d’installations testées chez les fournisseurs dans des situations
les plus proches de la réalité, une formation des opérateurs et des
professionnels de maintenance anticipée, voilà les conditions de réussite d’une
bonne automatisation d’un processus.
L’intelligence
artificielle, les capteurs d’information qui deviennent de plus en plus
communicants, la miniaturisation des composants, l’augmentation des capacités
mémoires, les algorithmes de plus en plus performants, l’arrivée des tablettes
numériques, les traitements d’image encore plus rapides et perfectionnés…toutes
ces évolutions technologiques n’ont pas fini de faciliter, d’amplifier les
niveaux d’automatisation possibles de nos entreprises industrielles, mais aussi
de simplifier le travail des professionnels de maintenance, dont la formation
et la gestion des compétences ne devront pas être sous-estimées.
« Des défis aussi
difficiles à relever qu’enthousiasmants à réussir »
Bonne maintenance
Olivier