En effet, dans une conjoncture de réductions
des coûts de maintenance, il est tentant de se focaliser sur la maintenance de
ce qui se voit, aux dépens de la maintenance de ce qui ne se voit pas et
notamment de négliger la maintenance préventive !
Nous allons nous focaliser sur un domaine
précis qui concerne peut-être de nombreux maintenanciers !
En effet, s’il y a un point commun entre les problématiques de maintenance
de machines ou d’équipements dans l’industrie et la maintenance dans le secteur
tertiaire d’équipements biomédicaux, de serveurs informatiques et de
datacenters, c’est qu’elles comportent toujours des infrastructures
électriques !
Ces ‘infrastructures électriques’ alimentent en électricité les
divers équipements sur les sites concernés, à partir du point de livraison Enedis,
suivant des architectures variables, notamment selon l’impératif ou non de continuité
de service par rapport à d’éventuelles coupures de courant.
Ces infrastructures électriques peuvent notamment comporter les
composants suivants :
-des disjoncteurs pour protéger les circuits des surintensités et des
courts-circuits.
-des onduleurs ou des Groupes Electrogènes pour assurer la
continuité de l’alimentation électrique, en cas de coupure de la fourniture
Enedis si les équipements le nécessitent (c’est notamment le cas pour le
biomédical, les serveurs et les datacenters, c’est moins systématique pour les
équipements en usine sauf pour ceux où une coupure électrique pourrait avoir
des effets catastrophiques).
-des commutateurs permettant de basculer entre la fourniture Enedis
et celle par Groupe Electrogène.
Il convient bien sûr de maintenir ces composants et d’abord de
vérifier leur état. Comment, en pratique ?
.
-Pour un disjoncteur : il est nécessaire de le couper pour voir
s’il réarme facilement. Cela implique donc toujours une coupure d’alimentation
électrique. Si le disjoncteur réarme normalement, la coupure est de courte
durée. S’il ne réarme pas, cela implique de changer le disjoncteur. Le faire en
sécurité oblige à une coupure électrique en amont, ce qui augmente le périmètre
des équipements impactés par la coupure.
-Pour un onduleur : un point essentiel de sa maintenance est
d’estimer l’état réel de ses batteries (sont-elles à 100% ou seulement à 50% ou
même à 10% de leur capacité nominale ?) pour pouvoir estimer leur durée de
tenue en charge en cas de coupure Enedis. Seul un test de décharge réelle
permet cette estimation, avec le défaut que réaliser un tel test prend
beaucoup de temps aux équipes de maintenance ! Est-ce vraiment fait ?
-Pour un composant comme un commutateur Mode Enedis/Mode Groupe
Electrogène, il convient de l’actionner pour le vérifier. Si ce composant reste
bloqué (Evènement de probabilité faible mais non nulle) au moment où l’on veut
basculer en mode Groupe Electrogène suite à une coupure de fourniture Enedis,
cela rend impossible le basculement. La fourniture électrique de secours n’est
pas assurée : il en résulte en général une nette aggravation de l’impact
de la coupure Enedis initiale !
Remarquons que pour ces 3 exemples de composants, connaitre leur
état implique que le service maintenance
soit actif et effectue les tests adéquats pour les vérifier. On est loin
des concepts actuels de maintenance avec remontées d’alarmes et affichage des anomalies
via un système de monitoring !
Réaliser ces tests n’est en pratique pas simple car ces tests ne
sont pas anodins : ils génèrent ou peuvent générer des coupures de
fourniture électrique, que les services utilisateurs ont souvent tendance à
refuser en heures ouvrables. Il en résulte souvent l’obligation pour la
maintenance de les réaliser de nuit ou le WE, ce qui ne simplifie pas leur
réalisation effective.
Ces difficultés et contraintes (et d’autres encore …) peuvent
encourager à repousser les démarches de test à plus tard. Tant que ces tests ne
sont pas faits, le service maintenance n’a aucune idée sérieuse de l’état
des composants les plus critiques de ses infrastructures électriques. Il y
a alors un risque important que les défaillances de composants ne se révèlent
qu’au moment où les infrastructures sont en problème, et donc que ces
défaillances ne fassent qu’aggraver le problème initial !
Conclusion
-Les infrastructures électriques doivent aussi être maintenues, mais
certains de leurs composants (comme les disjoncteurs, les batteries au sein des
onduleurs et les commutateurs de mode électrique) sont difficiles à vérifier
sans réaliser des tests qui risquent d’occasionner des coupures de courant, ce
qui impacte les utilisateurs des équipements et donc complique leur réalisation
effective.
-Repousser à plus tard ou ne pas faire ces tests a le gros défaut de
ne pas permettre d’identifier les composants problématiques. Ceux-ci risquent alors
de se révéler défaillants au pire moment, quand l’infrastructure est
déjà confrontée à un grave aléa, avec le risque d’aggraver le problème ou au
moins d’en compliquer la résolution.
-J’ai constaté ce genre de problématique dans divers cadres
industriels ou tertiaires, mais je n’ai pas encore assez échangé avec d’autres
responsables maintenance pour en estimer le degré de généralité.
-Je me pose d’autant plus cette question, que les graves évènements
météorologiques comme la tempête Lothar fin 1999 qui avait dévasté les forêts
et aussi les lignes électriques (3 millions de foyers privés d’électricité et
200 pylônes haute tension abattus selon Wikipedia) seront de plus en plus
fréquents suite au changement climatique. Sommes-nous
alors certains que les systèmes servant à des services publics vitaux, soient
résilients à de tels évènements, après des années d’économies
budgétaires aveugles qui ont eu tendance à réduire les équipes et les
périmètres de prestations de maintenance assurés ?
-Il n’y a pas que les tempêtes qui mettent en évidence des infrastructures électriques peu résilientes :
Regardez ce qui est arrivé à l'hôpital de Dax confronté à une
coupure d'électricité le 14/12/2017
https://www.leprogres.fr/faits-divers/2017/12/27/coupure-d-electricite-l-hopital-de-dax-porte-plainte-contre-la-cgt
Dans l'hôpital de Dax, les ascenseurs ne fonctionnaient plus, les
alarmes des appareils à oxygène et des pompes à morphine s'étaient déclenchées.
A cause de cette coupure, les médecins ont dû préparer le transfert de quatre
malades par le Samu. Finalement, le groupe électrogène a pu prendre le relais
pour tous les appareils vitaux et le courant a fini par être rétabli.
Et vous, cher lecteur maintenancier, qu’en pensez-vous?
Vous reconnaissez-vous dans ces difficultés pour maintenir vos infrastructures
électriques ? Donnez-nous votre avis, faites-nous part de votre expérience.
C’est l’objectif de ce blog.
Bien cordialement
Hervé Pauchard – Paris
vous soulevez un problème très important en maintenance celui de la maintenance préventive . jusqu'où devons nous aller en préventif? et pour la majeur partie des entreprises la réduction des couts en maintenance passe d'abord sur ce qui se voit mais pas sur ce qui ne se voit pas "tout de suite" comme la prévention et le préventif.
RépondreSupprimerJ'ai fait tout ma carrière chez Renault et j'ai fini en étant chef de projet de la politique maintenance pour toutes les usines. et pendant tout ce temps on n'a pas arrêté de vivre des périodes pendant lesquelles on prêchait de ne pas faire du préventif, ça ne servait à rien ( sauf un peu de graissage des installations), ça prenait trop de temps ( en équipe de nuit surtout) et à d'autres périodes il suffisait qu'il y ait une grosse panne qui bloque un atelier ( ex : cabine de peinture) pour qu'on nous dise ; "alors qu'est ce que vous foutez , pourquoi vous ne faites pas du préventif" ... ce que je pense maintenant avec un peu de recul, c'est de faire du "préventif intelligent" : avec maintenant tous les capteurs que l'on peut intégrer aux installations , il y a de moins en moins de préventif avec une fréquence le plus souvent estimée au pif, ou à partir de l'expérience des uns et des autres, ou correspondant à ce que le fournisseur de l'installation avait préconisé dans ses notices et qui était le plus souvent trop fréquent (pour se protéger des aléas et des retours clients, un bon parapluie en sorte). C'est ce qu'on avait fait en peinture en mettant sur tous nos ventilateurs de cabine des capteurs de vibration qui nous signalaient à partir d'un seuil qu'un palier était à changer . On avait ainsi le temps de programmer cette intervention. Et on avait sérieusement réduit les coûts de préventif en atelier peinture et augmenter le rendement de l'atelier
Il faut donc intégrer dans les cahiers des charges des installations un maximum de capteurs, des informations de changements d'état, des moyens de surveillance permettant d'anticiper au maximum les dysfonctionnements
Mais dans une entreprise, à cause de la réduction des coûts toujours demandée par la direction, on ne voit que le cours terme et la production , la sortie des pièces, les volumes , en priant le ciel qu'il n'y ait pas de grosses pannes, jusqu'au jour où....Il faut donc savoir anticiper et fiabiliser "au juste nécessaire" ..Un préventif doit toujours être continument optimisé, cela fait partie d'une démarche d'amélioration continue de la maintenance et donc de l'amélioration des performances des processus industriels. Au responsable maintenance à prêcher la bonne parole pour que la direction ou les services financiers de l'entreprise ou du site comprennent que la maintenance est plus un investissement ( et une nécessité) qu'un coût. C'est un peu comme les assurances ( qui coûtent cher qu'avant l'accident)...Si la SNCF ne faisait pas de préventif ( contrôle de l'état des rails, des éclisses, des aiguillages, des passages à niveaux, des signalisations...) je crois que les accidents ( comme le déraillement dans la gare de Bretigny, qui a démontré un entretien préventif non fait ou mal fait) seraient plus fréquents .