Aéronautique, automobile, bâtiment, sport…Les composites
avancent sur tous les fronts. Les PME françaises contribuent aux progrès qui
restent à accomplir pour avancer dans l’industrialisation de ces matériaux.
La notion de matériaux composites est assez large. « C’est
l’association d’au moins deux composants non miscibles qui, réunis, ont des
propriétés meilleures que ces mêmes matériaux pris séparément », résume
l’ingénieur Laurent Aubertin, du pôle de compétitivité EMC2 à Nantes.
On parle là principalement de fibres, souvent de carbone,
amalgamées à de la résine, cette association offrant des avantages incontestés
de légèreté, de rigidité et de résistance. Dès lors, les composites n’ont donc
pas fini de gagner du terrain, sur le métal principalement.
1) CONQUÉRIR DE NOUVEAUX USAGES
« Plus de 50 % de la masse des nouveaux avions, dont l’A350
et l’A787, est désormais faite de composites, contre de 20 à 25 % sur les
générations précédentes ». Ces nouveaux matériaux s’invitent au cœur même des
réacteurs (fan et aubes) Leap de Safran.
Maints autres usages se révèlent. La
société angevine Hydrovide a, par exemple, conçu un camion-citerne équipé d’une
cuve en composite, permettant l’allègement de l’engin et une résistance aux
fluides corrosifs. L’enroulement filamentaire favorisera l’avancée des
réservoirs de véhicules à hydrogène. Sans parler de la structure des voitures
que les carbones vont alléger plus encore. Dans le bâtiment aussi un large champ des possibles est
attendu avec des bétons armés aux
composites. Pour les mêmes raisons de poids et la résistance à la corrosion, on
évoque de nouvelles applications tubulaires pour la prospection d’hydrocarbures
de grands fonds. On imagine aussi des patchs pour consolider les ouvrages
d’art. « Les composites seront une source d’inspiration pour les architectes». Ces
matériaux sont aussi loin de leur apogée dans le domaine sportif sans eux,
point de foils pour les voiliers – et dans l’équipement de la personne, sur le
plan médical ou des exosquelettes.
2) UN BEL EXEMPLE D’UTILISATION DES
COMPOSITES
Une jeune entreprise de Charente-Maritime, Elixir Aircraft,
a présenté un concept unique au monde d’avion totalement en composite ». Grâce
aux composites et une technique de production unique, nous avons mis au point
un avion qui compte quelque 600
éléments, boulons compris, alors que le concurrent direct, la Cessna Aircraft
Compagny, qui n’a pas évolué depuis un demi-siècle en compte 17000 ». L’essentiel de l’avion
est composé de huit pièces seulement, en composites monoblocs, à l’image des
ailes, ou plutôt de l’aile monobloc, un seul ensemble sur lequel vient se fixer
le fuselage, le « corps » de l’engin.
Moins de pièces, c’est plus de sécurité, finis les rivets,
aucune vis ou longeron. Oubliés la corrosion, le pourrissement, le défaut ou l’usure
de structure. Cette technologie réduit de 30% les coûts de maintenance de l’avion
par rapport à sa concurrence. La légèreté de l’aéronef réduit sa consommation
en carburant et donc son coût d’exploitation
(12 à 16 litres par heure à la vitesse de 300 km/h contre 30 litres/h pour un
Cessna à la même vitesse) .
Son prix de vente est aussi révolutionnaire :
150 000 euros « c’est plus de deux fois et demie moins élevé que la
concurrence sur le même segment ». Depuis son premier décollage (Aout
2017), cet avion Elixir a passé tous les tests de sécurité et de résistance. Un
bel exemple d’évolution des structures en aéronautique et d’utilisation des
composites.
3) MONTER EN CADENCE
Produire plus vite et donc moins cher, l’enjeu clé de la
filière. « La production de pièces en composites reste artisanale, même si on
avance dans l’automatisation », admet Stéphane Cassereau, directeur de l’IRT
Jules-Verne, expliquant qu’il faut aller plus loin pour mieux s’inscrire dans les
futurs programmes aéronautiques et aux cadences de l’automobile. Il faut donc
parfaire l’automatisation du placement des fibres, des renforts rigidifiant les
pièces, le dosage des quantités de matières au bon endroit selon les épaisseurs
voulues. Il s’agit également de répondre à la problématique des grandes pièces,
telles de pales d’éolienne ou les coques de bateau où les composites permettent
de s’affranchir d’outillages et de limiter l’assemblage.
4) GÉNÉRALISER DES THERMOPLASTIQUES
Avec la technologie thermodurcissable, la plus répandue, la
pièce doit être réussie du premier coup. Impossible de la modeler une fois la
résine prise. La technologie des thermodurcissables, en revanche, permet de
travailler la pièce après coup, comme le métal. Il est également possible de
souder des éléments thermoplastiques (par laser, induction, vibration…), travailler
sur de plus petites séries et limiter le nombre d’outillages (moules). Sur
certaines pièces de sécurité, dans l’automobile, cette matière résiste mieux
aux chocs. « On peut aussi créer des mixtes avec l’injection plastique ».
Les
thermoplastiques sont aussi recyclables et ne produisent pas d’émanations de
styrène. L’usine nantaise de Daher est considérée comme l’une des références dans
la maîtrise des thermoplastiques. L’équipementier y fabrique par milliers des
clips pour fuselage d’avion. Les groupes Dedienne et Sintex NP ont aussi un
coup d’avance en la matière. Mais la mise en oeuvre reste à améliorer. C’est l’un
des grands défis des IRT Jules-Verne ou Saint-Exupéry ou du Cetim, qui ont
investi des millions d’euros dans des lignes pilotes.
5) RÉDUIRE LES COÛTS
Le prix élevé des composites tient en partie à l’emploi de
fibres de renfort en carbone, dont le coût se situe entre 15 et 20 euros le
kilo. Le défi du programme Force est de ramener ce prix à 8 euros le kilo. Le
Centre technologique Canoe et l’IRT Jules-Verne ont inauguré en octobre 2018 une
ligne pilote semi-industrielle de fibre de carbone économique à Lacq
(Pyrénées-Atlantiques). D’un coût de 3 millions d’euros, cet équipement offre
une capacité de production de 2 tonnes de fibre par an, donnant matière à expérimentation.
La fibre développée est une alternative au polyacrylonitrile (ou PAN), le
matériau de référence utilisé aujourd’hui, inabordable pour l’industrie
automobile. Il met en œuvre des matériaux alternatifs, biosourcés ou recyclés,
tels les dérivés de la biomasse ou encore les polyoléfines. Force qui mobilise
au total 18 millions d’euros est très mobilisateur. Faurecia, PSA, Renault,
Plastic Omnium, Stelia composite ou Decathlon, sont partie .
6) RECYCLER
Les matériaux composites n’ont pas bonne réputation sur le
plan environnemental. Leur recyclage n’en est qu’à sa genèse. Le procédé
Thermosaïc, développé par le Cetim Grand Est, permet de récupérer des pièces au
rebut pour recréer de nouvelles plaques de composites thermoplastiques. Il
devrait être industrialisé à moyen terme. La recherche de produits recyclables
avance, l’une des références étant la résine Elium du chimiste français Arkema.
Une autre piste est l’introduction d’une part de matériaux biosourcés. La fibre
de lin est déjà utilisée dans les intérieurs de portes automobiles, mais pas
encore sur des pièces structurelles. Mais on ne sait pas encore séparer le lin
de certaines résines dans lesquelles il est amalgamé. « Le lin a l’avantage
d’être léger et sa forme creuse lui confère des propriétés acoustiques ». La
fibre de chanvre et de bambou présente aussi des atouts de légèreté. Le
projet Filsit mobilise le nantais Omega
System et la société bretonne Nanovia, qui développe des filaments pour
l'impression 3D à base de chute de bandes de carbone, générés par les machines
à placement de fibres.
7) INTÉGRER DE L’INTELLIGENCE
Contrairement au métal, on peut définir la recette des
composites, à la carte. Cela permet d’y intégrer des systèmes filaires, des
antennes et autres objets connectés. « On peut ainsi les rendre intelligents en
leur apportant des fonctionnalités complémentaires ». (Il est possible
d’imaginer des systèmes antennaires dans le toit de camping-car par exemple).
Naval Group s’intéresse depuis longtemps à cette intégration sur ses navires de
guerre. La société bretonne Sense in développe des systèmes de capteurs
permettant de mesurer la déformation et la tenue mécanique de la matière. Cela
soulève d’autres défis techniques, dont la compatibilité des matériaux, car il
ne faut pas endommager l’objet communiquant dans le bain de résine. Les
procédés composites permettent aux industriels de répondre aux enjeux
d’allègement des structures et de fabrication de structures complexes.
8) LES PREMIERS ROBOTS
Certains sous-traitants comme Pika (Pyrénées-Atlantiques),
spécialiste de la découpe métallique, ont mis cette technologie à leur
portefeuille en investissant dans des équipements industriels. Mais derrière
l’aéronautique, c’est l’ensemble de l’industrie et des grands donneurs d’ordre,
notamment dans le transport. Obligeant ce tissu de PME à se mettre au niveau et
à monter en compétences en s’appuyant au besoin sur des centres techniques. Les
patrons sont poussés à acquérir des moyens de production permettant de
travailler des pièces de grande dimension. L’enjeu est d’industrialiser les
processus de production avec l’apparition des premiers robots. Des moyens qui
arrivent dans les entreprises les plus importantes. « Le fait d’utiliser des
composites dans l’aéronautique entraîne de nouvelles exigences en termes de
contrôle qualité et de traçabilité avec l’apparition d’appareils de contrôle
non destructifs », insiste Jérôme Raynal, responsable du développement des
activités composites au sein du groupe Institut de Soudure.
L’usine DASSAULT d’Anglet utilise un robot KUKA pour
construire, lames après lames, des pièces volumineuses en composite pour ses
avions d’affaire.
Le problème de la santé des opérateurs a longtemps été
pointé du doigt à cause des émissions de composés organiques volatils (COV).
L’apparition de nouveaux modes de production faisant appel à des moules fermés
règle en partie le problème puisque les pièces ne sont plus produites à l’air
libre. Il reste toutefois à ce que ces moyens de production soient généralisés.
9) CONCLUSION
L’autre challenge est économique: où, à
quelles conditions l’additif devient compétitif par rapport aux technologies
qu’elle doit remplacer telles l’injection, l’assemblage mécano soudé, la
fonderie ou la forge?
(tiré d’un article
dans Les Echos)
Olivier
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